Ces Trois Chansons galantes sont écrites dans l’esprit ludique que supposent ces poèmes, écrits au début du XVIIe siècle. Les caractères en sont cependant contrastés, et vont du propos le plus cru au badinage érotique en passant par la complainte amoureuse idéalisant l’être aimé. De la chanson, ces trois pièces conservent soit l’unité mélodico-rythmique (N°1), soit le retour d’un refrain (N°2), soir la structure en couplets variés (N°3). L’écriture, d’essence modale, se veut accessible mais d’un langage harmonique moderne.
Les trois pièces peuvent être chantées séparément, aussi bien par un choeur d’hommes que par des voix solistes (le N°1 réclame dans ce cas au moins 2 voix pour la partie de basse).
N°1. Remède approuvé
Recipe virgam hominis
Cum duobus testiculis
Gros, durs et longs et pleins d’humeur,
Pris dans le soupirail du coeur.
Virga rigide figatur,
Pro una vice in die,
Deux ou trois fois iteretur,
Soir et matin Quotidie.
Attribué à Théophile de VIAU, dans La Quintessence satyrique (1623)
N°2. Si c’est un crime que l’aimer
Si c’est un crime que l’aimer
L’on n’en doit justement blâmer
Que les beautés qui sont en elle,
La faute en est aux dieux
Qui la firent si belle :
Mais non pas à mes yeux.
Je suis coupable seulement
D’avoir beaucoup de jugement
Ayant beaucoup d’amour pour elle.
La faute en est aux dieux
Qui la firent si belle :
Mais non pas à mes yeux.
Qu’on accuse donc leur pouvoir,
Je ne puis vivre sans la voir,
Ni la voir sans mourir pour elle.
La faute en est aux dieux
Qui la firent si belle :
Mais non pas à mes yeux.
Jean de LINGENDES, in Livre d’airs de Cour (1623)
N°3. Chanson de Mai
Puisque la saison nous convie
À cueillir les fruits de l’amour,
Ne perdons point le temps, Sylvie,
Sus, cueillons-les à notre tour ;
Viens-t’en d’un visage plus gai
Dedans ce bois planter le mai.
Ici tout abonde en délices,
Cet ombrage est propre aux amants ;
Les seuls oiseaux y sont complices
De leurs secrets contentements ;
Et leur chant en serait plus gai
S’ils nous voyaient planter le mai.
Chère maîtresse, je t’assure
Que dès le jour que tes beaux yeux
Me firent au coeur la blessure
Que depuis je porte en tous lieux,
J’espérai que d’un coeur plus gai
Nous planterions tous deux le mai.
Mais comment, beauté sans seconde,
Ton coeur doute-t-il de ma foi ?
Il n’est point de berger au monde
Qui soit plus fidèle que moi,
Ni qui d’un mouvement plus gai
Puisse aujourd’hui planter le mai.
Lors la belle toute fâchée
De le voir ainsi s’affliger
Au pied d’un chêne s’est couchée ;
Soudain cet amoureux berger
Devenu plus libre et plus gai
Avec elle a planté le mai.
Guillaume COLLETET, in Les Divertissements (1631)